Marcel et son Orchestre - Festival Les Fennecs 2003

Marcel et son Orchestre - Festival Les Artefacts 2004

Marcel et son Orchestre - Festival Les Terre Neuvas 2004

Marcel et son Orchestre - Festival Le Furia Sound 2006

Marcel et son Orchestre - Festival Quand Je Pense à Fernande 2006

Marcel et son Orchestre - Festival Aux Urnes 2006

Marcel et son Orchestre - Interview 2007

Marcel et son Orchestre - Festival Les Fennecs 2007

Marcel et son Orchestre - La Fête de l'Huma 2008

Marcel et son Orchestre - Concert Pour L'Avesnois (Le Zenith - Lille) 2008

Marcel et son Orchestre - Festival des Arts Sonnés 2012




Interview

Marcel et son Orchestre - Interview - Pierre Derensy


Tout le monde dorénavant connaît les Marcel et son Orchestre. Ils ont, à l’inverse de Danny Boon, commercialisé leur musique non pas sur un régionalisme bas de plafond, mais sur une envie de faire de la scène un terrain de foire et de fête et depuis 2 albums, en ayant pris le soin de soigner aussi leurs albums studio. Tout en n’oubliant pas de dénoncer certaines vérités qui s’accrochent plus au ventre par le rire que par la tristesse, ils ne veulent pas tout prendre trop au sérieux et continuer leur bonhomme de chemin sur les routes de province et d’ailleurs.

Pierre :
Comment se porte Marcel et son Orchestre ?
Franck :
Pour ma part, j’ai un peu mal aux muscles car on vient de boucler 6 concerts en 6 jours et avec beaucoup de kilomètres entre les dates mais autrement tout va bien ! Le public est génial, les concerts sont vraiment rock n’roll : tout se passe bien.
Pierre :
Avec les nouvelles lois sur l’intermittence vous avez du augmenter vos nombres de concerts ?
Franck :
On sait pas bien dans quel sens on va être mangé. Mais en même temps avec ou sans l’intermittence, ça nous empêchera pas de faire les concerts. Le problème, c’est que les difficultés financières seront différentes. Maintenant, je te rassure, on ne décide pas de donner des concerts pour bâtir notre status, on le fait car on a envie de s’amuser.
Pierre :
« E = CM2 » c’est à peu près le niveau d’études des Marcels ?
Franck :
(rire) Non pas vraiment… malheureusement du reste. On a tous fait quasiment de bonnes études secondaires. Le principe de ce titre, c’est reprendre ce que dit Alain Souchon quand il dit « J’ai 10 ans ». Ce que j’aime bien dans cette tranche d’âge, c’est que les gamins ont parfaitement compris les tenants et aboutissants de notre monde et lorsqu’on leur expose un problème, lorsqu’ils prennent connaissance d’une difficulté ils connaissent parfaitement où se situe l’injustice, la cruauté, l’ignominie et pour eux, il leur suffit de dire « y a qu’à ceci » « y a qu’à faire cela ». Faut plus leur en raconter. A la différence des adultes, les gosses ne se sont pas (encore) fait contaminer par la morosité ambiante. Les adultes se sont fait avoir en se disant « bhen voilà il faut composer avec », le minot compose pas, il veut bouger les choses. Je trouve donc qu’il faut donc garder ce coté « J’ai 10 ans » et ne pas se laisser avoir par les détenteurs de la sinistrose.
Pierre :
C’est un album régressif assumé ?
Franck :
Je revendique le droit d’être multiple. C’est à dire que les gens qui essayent d’être en parfaite adéquation avec la belle petite image qu’ils ont pu tricoter d’eux même me font peur. C’est important de tenir debout pour garder la tête hors de l’eau. On peut être Zorro ou monsieur tout le monde, mais garder la chance de pouvoir être l’un et l’autre et pas simplement l’un ou l’autre.
Pierre :
Sais tu que ce titre était aussi celui d’un livre d’Albert Jacquard ?
Franck :
Je l’ai su après mais j’étais content car le professeur Jacquard est quelqu’un que j’apprécie par ses positions.
Pierre :
Cet album porte dans certains titres un discours écologiste sans être moralisateur, que penses tu de l’entrée de Nicolas Hulot dans la scène médiatico-politique ?
Franck :
Prfft… Effectivement, il a fait des émissions plus ou moins intéressantes mais je reste mal à l’aise quand je vois que ces mêmes émissions sont financées par les plus gros pollueurs de la planète. Quand tu vois que la marque d’Ushuaia ne lui appartient pas et qu’elle ne respecte sûrement pas le bio-dégradable donc c’est absolument honteux. En fait ce qui m’amuse, je ne peux pas être en désaccord avec ce qu’il a écrit parce que de toute façon c’est terriblement généraliste, mais je ne vois pas comment l’on peut parler d’écologie sans parler de décroissance. J’ai pas vu ce mot par exemple. Ensuite ce qui m’amuse aussi c’est la réaction des politiques : que ce soit Sarko ou Ségolène Royal, ils sont tous prêts à le récupérer car il est populaire mais auparavant aucun candidat n’avait prononcé le mot environnement ou écologie en début de campagne. Leurs projets de société tenaient en 3 mots : emploi-insécurité et insécurité ! Là ils se sont sentis dépassés et sont prêts à tout, mais je vois pas comment ils vont réussir à parler de croissance et encore de croissance et en même temps d’environnement. Ils n’en ont rien à branler de l’environnement ! Tout ce qui les intéresse c’est produit à consommer !
Pierre :
Mais est ce que tu penses qu’une écologie non politique puisse exister ?
Franck :
Non ! bien évidemment que l’écologie c’est politique. Autrement c’est que du bon sentiment.
Pierre :
Avec ce dernier disque on dirait que vous êtes enfin considérés de la même manière comme un groupe de disque et de scène ?
Franck :
Merci. On reconnaît qu’on a eu quelques difficultés à comprendre que la scène et le disque étaient deux métiers totalement différents. Le premier album en 96 était un témoignage de ce que l’on donnait sur scène, enregistré en 9 jours avec des moyens extrêmement petits à l’époque. D’ailleurs nous n’avions pas l’ambition de faire un disque, on a lancé une souscription parce que des fans nous l’ont demandé. Y a 300 mecs qui ont donné 100 francs à l’époque pour que l’on puisse faire le disque. Le deuxième album ça avait changé mais on n’avait pas une vraie maturité et je pense que dès le 3ème on a réussi à maîtriser. « Un pour Tous… Chacun ma Gueule » est un album très produit. Celui ci, ce qui est intéressant, c’est qu’on a fusionné le coté jubilatoire de la scène tout en ayant un coté disque produit.
Pierre :
Il n’y a plus ce sentiment qu’obligatoirement vous êtes obligé de défavoriser soit le coté spectacle, soit le coté chanson d’un album ?
Franck :
Pourtant « E = CM2 » fut enregistré à la maison. On a eu du temps, sans stresse de se dire une journée de studio coûte autant, faut aller vite. On l’a vraiment fait décontracté sans se prendre la tête. On s’est par contre beaucoup pris la tête sur le ton à donner. Moi j’étais encore dans le ton de « Un pour tous… » avec des textes vraiment bavards, avec l’envie de m’attaquer à la mondialisation, la délocalisation ou la bourse, aux fractures sociales. Et les autres m’ont dit que je l’avais déjà chanté, que je l’avais déjà dit à travers certains titres et ressenti ou réfléchi tout le monde fait le constat que cela ne va pas mais il faut aussi permettre à chacun de trouver un peu de gaieté et de se donner les moyens de rire à la gueule de nos peurs. Les copains voulaient faire quelque chose de joyeux, de convulsif donc ils m’ont demandé d’adapter mes textes. Je pense qu’ils avaient raison. Dans un texte rigolo comme « Bonne Fête Maman » il y a des vacheries pour qui veut bien les entendre. Y a des positionnements, idem pour « Un Prénom pour la Vie », c’est à dire qu’il y a un sujet prétexte et dedans on met nos valeurs.
Pierre :
C’est surtout moins rentre dedans ?
Franck :
Je m’aperçois que ce n’est finalement pas la bonne solution. Ca fait 30 ans que les groupes font de l’anti-Le Pen et le présentent comme une grande menace et finalement ils ont réussi à en faire un gros caïd. Peut être que si on avait ri à sa gueule, si on l’avait vraiment présenté comme un bouffon, il se serait vraiment dégonflé comme un ballon de baudruche. Je crois que c’est ça qui leur fait le plus chier : c’est de ne pas prendre au sérieux tous ces cons là. Bien rire de leurs messages. D’ailleurs c’est devenu l’argument politique des 2 plus grosses formations politiques. S’il n’y avait pas eu l’argument Le-Pen je crois qu’il n’y a pas beaucoup de gens de gauche qui voteraient socialiste. C’est même honteux. Je me demande comment s’appelle un pays où l’on n’a pas le choix de voter pour qui on veut. C’est ça qui est épouvantable. On présente les autres formations politiques comme fantaisistes ou extrémistes. Une démocratie doit être plurielle et ne pas devenir surtout en France, un bipartisme à l’américaine.
Pierre :
Vous allez encore vous engager pour les législatives ?
Franck :
Probablement. Alors après ce n’est pas le groupe mais je ne m’avance pas en déclarant que le groupe à une position anti-libérale. Tout simplement car le saccage du libéralisme, on le constate tous les jours. On a fait des ateliers d’écriture avec les anciens ouvriers de l’usine Levy’s à La Bassée. Nous on dit partout que la région Nord Pas de Calais n’est plus le conservatoire de la misère et pourtant toutes les semaines, on découvre encore des fermetures d’usines, des familles qui avaient peiné pour essayer de rembourser une petite maison en obtenant difficilement un prêt et finalement ils se retrouvent au chômage. C’est épouvantable. Ces gens sont juste courageux, honnêtes et droits. Ils n’en demandent pas plus. Des enfoirés par facilité financière car ils ne veulent pas avoir 6% de dividendes mais 20, piétinent tout ça. Pour moi la Bourse c’est un génocide social.
Pierre :
Tu ne penses pas cependant que tout ce que tu dénonces, il est déjà trop tard pour le changer ?
Franck :
Je ne suis pas fataliste. Il paraît qu’il faut être dans les plus grosses puissances économiques mondiales, mais je sais pas, il y a quantité de pays qui ne font pas partie de ce top et où l’on vit très bien. A un moment, à quoi ça rime quand tu dégustes, que tu es pauvre dans ton pays de savoir que tu es la 5ème ou 6ème puissance économique ? qu’est ce que ça change ce rang ? Ca ne peut pas tenir comme ça. C’est impossible.
Pierre :
En parlant économie et contrat : Marcel a donc changé de crémerie pourquoi partir de Wagram pour V2 ?
Franck :
Honnêtement j’en sais rien ! (rire)
Pierre :
C’est Didier Super qui vous a invité à faire un tour du propriétaire ?
Franck :
On le connaît depuis super longtemps, il traînait au centre social quand j’étais agent de développement culturel à Saint le Noble. Olivier est de là bas et quand il a vu qu’on avait monté un atelier de musique avec des locaux de répétition il venait régulièrement, il a appris la basse. Mais non la motivation de changer, malgré que Wagram ait fait un super boulot, c’est que la manière de communiquer sur Marcel n’était pas celle que l’on voulait. C’est juste l’impression de ne plus être compris par sa maison de disque. On ne peut pas tout faire mais ce qu’on veut faire on aimerait que cela soit compris. J’ai l’impression que V2 l’a compris.
Pierre :
C’est une histoire de liberté ?
Franck :
Même pas. C’est une histoire de ton. Comprendre que je ne refuse pas de faire de la télé. Je considère même que 3 mn de Zebda ou de qui tu veux dans les groupes de rock c’est 3 mn d’Hélène Ségara en moins. C’est ça aussi. Ce qui me désole ce sont ces rockers qui font des compilations « les héros du peuple sont immortels » et qui méprisent tout ce qui est populaire. C’est trop facile de faire un procès à un tuyau. La télévision et les médias sont des tuyaux : tu peux mettre ce que tu veux dans les tuyaux.
Pierre :
Je dois vous féliciter en parlant de tuyaux conquis car apparemment vous avez gagné un concours sur le Mouv’ qui est une radio on ne peut plus formatée et où vous avez su tirer votre épingle du jeu pour finir premier ?
Franck :
Premier du Rock 30… mais ce n’est pas nous : ce sont les gens qui aiment bien Marcel qui ont du voter pour le titre. Ca fait plaisir, car malgré les millions d’euros que certains mettent pour la promo en disant « regardez je suis le plus fort » c’est encore le public qui décide d’acheter ou pas, d’aimer ou de ne pas aimer. C’est rassurant.
Pierre :
Il y a toujours quelque chose d’important chez vous outre la musique, c’est la pochette ?
Franck :
L’emballage est vachement important, déjà que tu n’as plus la possibilité d’avoir de grands disques vinyles. Pour nous c’est un moyen de faire découvrir des auteurs que l’on aime. On est tous fan d’illustration. Là on a lancé un concours de pochette et c’est un garçon qui s’appelle « Thon » qui a remporté les suffrages. Son dessin est génial. Dans l’esprit un peu cradoque, freaks américain
Pierre :
Vous continuez de mélanger les grandes et les petites salles, c’est par choix ou c’est en fonction des endroits où vous êtes connus ou pas connus ?
Franck :
Un peu des deux. Mais on adore le public à 20 centimètres du visage. Tu fais pas du tout le même spectacle. Quand tu es dans un grand festival, le public ne peut être que spectateur et toi dans ces conditions tu ne peux pas faire jouer l’interactivité, donc tu envois le boulet en espérant que l’énergie va pouvoir soulever tout le monde. Quand c’est en club tu peux utiliser l’énergie de la salle. Tu peux vanner, apostropher la personne. En festival tu es vraiment minuté, en salle si tu as envie de jouer 3 heures tu peux t’amuser avec ça. On a besoin des deux. Belfort, les vieilles charrues tu refuses pas mais les lieux où tu peux te lâcher, le délire c’est important.
Pierre :
Vous avez toujours été en mouvement à l’intérieur du groupe, alors qu’est ce qui fait que ça dure depuis 15 ans ?
Franck :
Tu peux parler pendant 2 heures des raisons qui te poussent à aimer ton amoureuse. Tu peux dire « parce que X raisons, parce que Y raisons » t’auras fait le tour de tout ça tu seras plus avancé. Après Marcel, ça tient car on y prend du plaisir. En même temps on sait que c’est très fragile, on est des grosses gueules, on peut s’engueuler pour rien, soupe au lait mais on a peut être aussi la faculté de redescendre aussitôt en se disant qu’il y a des choses bien plus graves car en définitive on est super bien ensemble !