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Joseph d'Anvers - Concert L'Europeen (Paris) 2006

Joseph d'Anvers - Interview 2006

Joseph d'Anvers - Chronique Album "Les Choses en Face" 2006

Joseph d'Anvers - Concert L'Elysée Montmartre (Paris) 2006

Joseph d'Anvers - Concert L'Omnibus (St Malo) 2006

Joseph d'Anvers - Interview 2008

Joseph d'Anvers - Chronique Album "Les Jours Sauvages" 2008

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Joseph d'Anvers - Festival Indetendances 2009

Joseph d'Anvers - Concert L' Europeen (Paris) 2015





Interview

Joseph D' Anvers - Interview - Pierre Derensy


Les Jours Sauvages, le deuxième album de Joseph d’Anvers était attendu. Il ne déçoit pas, bien au contraire, mais il déconcerte à coup sur. Disque étonnant, mélange de genres et de styles. Une belle manière en tout cas pour faire la nique à ceux qui souhaitaient juste le voir « bisser » son pantalon en refaisant exactement ce qui l’avait amené à être connu via « Les Choses en Face ».

Pierre :
Est ce que le plus important, au départ de ce disque, c’était de se démarquer fondamentalement des « Choses en Face » sorti en 2006 ?
Joseph d’Anvers :
«Pas vraiment. L’idée première, c’était de ne surtout pas refaire la même chose. En même temps, je sais que c’est un peu le discours de tout le monde qui sort un deuxième album, après pour tenir le truc, c’est beaucoup plus compliqué. Comme vous pouvez vous l’imaginer, il y a des pressions de la maison de disques, de certaines personnes qui voient que le premier a bien marché à tous niveaux, ils ont donc essayé de me pousser à refaire le même disque. Ce qui n’était pas mon envie. »
Pierre :
Ce qui est troublant, c’est qu’on a vraiment l’impression d’être en face d’un inconnu le plus complet, comme si tu n’avais jamais existé « avant » ?
Joseph d’Anvers :
«Le premier est arrivé comme la concrétisation de l’un de mes projets solo. Donc un truc guitare voix, un peu folk. Les yeux et les oreilles se sont ouverts, pour ce projet mais moi j’ai toujours eu, à coté, des envies très rock n’roll, des attirances pour l’éléctro. « Les choses en Face » ce n’est qu’une facette de ce que je fais.»
Pierre :
Ce deuxième disque est il la quintessence de toutes ces envies ?
Joseph d’Anvers :
«Le but pour moi c’était de gagner une liberté. Une liberté que la plupart des artistes perdent dans ce beau pays qu’est la France. Je tenais à avoir l’entière latitude de pouvoir faire un morceau avec des sonorité hip-hop si je le souhaitais, si je voulais aller vers des guitares saturées je ne tenais pas à ce qu’on me l’interdise ; surtout que j’étais conscient qu’il y aurait au final une idée forte, ma voix, ma manière d’écrire, pour relier toutes ces énergies différentes. Je ne voulais pas me limiter dans ma création. Je tenais à m’affranchir de tous les dictats radiophoniques, télévisuels pour me retrouver avec des gens biens sous tout rapport pour faire de la musique.»
Pierre :
Ne prend t’on pas le risque alors d’embarquer l’auditeur vers de fausses pistes, certes élégantes, mais des fausses pistes quand même ?
Joseph d’Anvers :
«Sur le 1er, il y avait une chanson qui s’appelait « Nos Jours Heureux » qui parlait du moment où l’on se rend compte qu’une relation amoureuse est cassée et qu’on ne pourra plus revenir en arrière, j’avais utilisé des mots simples, un discours simple et j’ai vu que les gens l’avaient interprété de dizaines de manières différentes. J’en ai même eu un qui pensait que j’évoquais les problèmes de famine en Afrique (rire). C’était incroyable. Donc pour cet album, je me suis dit qu’il n’y avait pas à avoir peur de faire des choses tristes et surtout sans crainte qu’on me taxe de faire un album totalement différent pour désarçonner les gens. De toute manière quoi que je fasse, des gens diront du bien, d’autres du mal. »
Pierre :
C’est vous qui avez choisi le Brésil pour cet exil volontaire du ventre de Paris ou c’est Caldato qui vous a poussé à quitter vos murs ?
Joseph d’Anvers :
«Ce fut un tir croisé ! J’étais en train d’écrire mon album, donc je me posais des questions, j’avais écrit une trentaine de chansons pendant la tournée et donc capable de sortir un deuxième disque vite poussé par ma maison de disque, mais ça aurait été un peu genre les chansons que je n’avais pas gardées pour le premier pour surfer sur une éventuelle bonne critique du premier. J’étais en train de faire le point. Parallèlement à ça, je me suis mis à écrire pour Bashung et il m’a fait découvrir une autre manière d’envisager la musique. Beaucoup plus calme, sereine et réfléchie. Un peu comme à l’époque du premier, j’ai eu quelques galères, j’ai perdu des gens, j’ai eu des ennuis de santé et je n’avais qu’une envie, c’était de partir loin, d’être perdu. Comme j’étais perdu dans ma propre vie, je tenais à aussi être perdu loin de mes bases. J’ai, simultanément contacté Mario Caldato, un peu comme une bouteille à la mer en me disant que ce mec, qui est un peu mon idole, me répondra jamais, l’a fait le lendemain en me disant qu’il aimait beaucoup mes maquettes et qu’il souhaitait que je sois le premier chanteur français indépendant qu’il produise. Il avait mixé Manu-Chao, produit Arno, qui est belge, et un groupe ou deux francophones dans les années 90 mais sur des majors. Il voulait prendre un projet à la base et le mener à son terme. Par contre, il voulait que cela se fasse au Brésil car il a un studio situé là bas, il ne demandait pas grand-chose financièrement, mais juste que je le rejoigne dans ses installations au Brésil et à Los angeles. De cette volonté de ma part de m’exiler, j’ai d’un seul coup eu une réponse qui est venue de quelqu’un que j’avais en ligne de mire et que je n’osais même pas aborder et ce type m’a tendu la main pour faire mon exil ! De là, j’ai pris ma guitare, empaqueté mes affaires et trois semaines après, je partais le rejoindre pour un mois.»
Pierre :
Et après ?
Joseph d’Anvers :
«Ce qui était important, c’est qu’il était affranchi de toutes obligations de réussir. Il sortait de Beck, de Bjork, de Jack Jackson. Pécuniairement parlant, c’était tranquille pour lui et il voulait juste faire un album dont on soit fier, lui et moi. Sur le chemin de ce grand voyage, j’ai rencontré diverses personnes. En France, qui que vous soyez, il y a un espèce de passif. On connaît des gens, qui connaissent des gens, il y a des bruits qui courent. Là : aucun à priori, il ne me connaissait pas et il m’a pris pour la personne que j’étais. Au bout de 15 jours à vivre en vase clos, on s’est rendu compte qu’on était fait l’un pour l’autre (rire). Sa manière de travailler, hyper relax, cool, très brésilienne dans la manière, moi ça me convenait. Tout fut fait à l’instinct. En plus, il m’a ouvert les portes de chez lui, j’ai passé mes dimanches avec sa famille, c’était un truc dingue. Sur la route, j’ai rencontré Kassin, Domenico Lancelloti, Moréno Veloso et Vanessa Da Mata au Brésil qui sont 4 artisans de la nouvelle scène brésilienne effervescente. Un mélange d’éléctro, de rock et de tradition. Et puis Money Mark à Los Angeles, qui est venu spontanément suite à une écoute de mon disque dans une soirée de mix qu’organisait Mario. Ce fut un peu la même histoire qu’avec Miossec sur le premier album et je n’ai encore une fois pas forcé le destin. »
Pierre :
Malgré le casting, cela ne ressemble pas à un disque Word du petit français en exil qui veut épater la galerie ?
Joseph d’Anvers :
«Ma crainte en partant là bas, c’était ça. A la base, j’imaginais un disque anglais, froid, clinique, quelque chose avec des programmations. A l’inverse des « Choses en Face » qui était très chaleureux au niveau du son. Forcément, les choses que l’on a en tête sont rarement celles qu’on écoute à la fin. J’ai essayé par contre de ne pas tomber dans le Brésil de carnaval rempli de clichés. C’était dur, car j’étais vraiment tout seul. Atmosphérique était dans un grand remaniement, on s’est séparé d’Universal et je me suis retrouvé tout seul au bout du monde sans recul aucun. Ce n’était pas évident de savoir si j’étais sur le bon chemin. C’est le syndrome du type qui part en voyage et qui s’achète un tee-shirt chouette qu’il ne portera jamais quand il regarde ça chez lui en déballant ses affaires. Pour les musiciens comme pour moi, ce fut une belle aventure : parce que je leur faisais jouer des choses qu’ils n’écoutaient pas du tout. Ils ne connaissait pas Blonde Redhead, Arcade Fire, Gorillaz ou The Street, après il y avait des éléments communs comme Radiohead, Beck ou les Beastie Boys qu’ils connaissaient via Mario Caldato mais c’était marrant de leur faire écouter des morceaux européens et de leur demander de jouer dans ce style mais à leurs manières. »
Pierre :
Vous avez l’air d’avoir aussi plus confiance en votre voix, que c’est presque par elle que vous trouvez du plaisir à faire un disque ?
Joseph d’Anvers :
«Sur le premier disque je voulais faire quelque chose d’intime et cela passait par la voix. Par un exercice de style de la voix, quelque chose d’à peine audible, un souffle dur à tenir. Après j’ai eu quelques difficultés à l’adapter sur scène. Sur scène je voulais plus chanter. Ce qui fait que j’étais en pleine schizophrénie car je trouvais que je perdais l’essence même du projet intime. J’aime vraiment beaucoup chanter. Dans mes projets rocks ou éléctro, je peux beaucoup plus moduler ma voix que ce que je peux faire quand je chante en français. Sur ce second opus, je voulais trouver (et ce fut le nœud du problème avec Mario) et arriver à faire comprendre ce souhait de mélanger le hip-hop, le rock et la pop. Faire un mélange de ces 3 pôles avec ma voix en lien. Je ne voulais pas faire style « rentre dedans » avec du rock bête et méchant. Là on a beaucoup gambergé sur la manière de placer ma voix, sur quelle tonalité, et comment l’inclure dans cet album « au milieu de ». »
Pierre :
Vous allez peut être me contredire mais on a l’impression que votre guitare est plus qu’un instrument dans vos chansons, que c’est cet instrument qui vous amène à la fantaisie mais aussi à dépasser votre pudeur ?
Joseph d’Anvers :
«J’ai toujours besoin de ma planquer derrière quelque chose. Que ce soit un pseudonyme ou une guitare. Dans les textes que j’écris… c’est une longue réflexion et ils veulent tous dire quelque chose. C’est vraiment un discours. Je m’y mets à poil. Le premier album parlait des maux du cœur et de l’homme autant celui là parle des maux de l’âme. La guitare est ma première confidente pour coucher sur un support mes textes. Je me suis acheté une guitare juste avant de partir pour le Brésil car Mario ne voulait rien d’autre qu’une guitare qui sonne original, du coup j’ai écumé tous les vendeurs de Paris et de province pour la trouver et dorénavant elle me suit partout. Ca été mon compagnon de route pour les voyages en tant que tel mais mon compagnon pour la mise en forme également. »
Pierre :
Dans votre univers, il y a aussi cette idée de la musique comme paravent à toutes vos phobies ou vos doutes qui sont plus textuels ?
Joseph d’Anvers :
«Il y a une phrase que m’a dite Alain Bahsung qui m’a marqué, c’est « une chanson, on y vient pour la musique et on y reste pour les textes ». Personnellement, j’ai adoré les chansons de Radiohead ou Gorillaz avant d’en connaître les textes. Pour leurs sonorités. Comme je ne travaillais qu’avec des gens qui ne comprenaient pas le français, j’étais certain qu’ils allaient apprécier les titres pour cette raison. Les 13 chansons devaient tenir en tant que son, uniquement. Ensuite, pour le texte et la compréhension je tenais à avoir un degré d’exigence important. Pour offrir, soit un contre-pied, soit quelque chose qui appuierait sur la musique. Styler au fil de ces chansons pop quelque chose de plus personnel, de plus malsain, de plus boiteux. En tout cas un peu moins clinquant.»
Pierre :
Il y a 13 chansons mais toutes courtes ?
Joseph d’Anvers :
«Le premier disque, toutes les chansons faisaient en moyenne 5 minutes. Quand je les jouais au bout d’un moment sur scène, c’est dur à dire, mais j’imagine à peine Mick Jagger avec « Satisfaction » par exemple, mais j’avais une petite lassitude. Les chansons courtes sont venues de la tournée. Quand je jouais un rythme binaire et non ternaire, plus rapide, plus rock : je les assumais mieux. Je prenais plus de plaisir, et le public aussi, du coup moi j’en prenais encore plus et je les jouais encore mieux. Enfin voilà : le cercle vertueux. Autant le premier album, c’était un album d’écoute pour le CD, à écouter chez soi, autant pour celui là, je tenais à faire un disque qui n’ai aucune difficulté à être traduit sur scène.»
Pierre :
La pochette que vous proposez, et je sais que cela compte pour vous, rappelle ces disques électroniques, un peu dans la même veine qu’Air ?
Joseph d’Anvers :
«Pour l’éléctro oui mais pour Air non. L’idée c’était de trouver un artiste qui n’ai jamais fais de pochette. Mais un artiste avec un parcours conséquent. J’ai donc rencontré Sunil Pawar qui est un jeune londonien d’origine pakistanaise qui vient de la rue et qui s’est retrouvé récupéré et institutionnalisé par les musées. C’est un mec qui expose et qui vient du hip-hop. Et tout de suite, il y a eu une synergie qui s’est installée. Il bosse en plus comme DJ dans des clubs à Londres et m’a demandé pour passer certains de mes titres avant même que l’on travaille ensemble sur la pochette. C’est un petit pas de coté de ma part, car je ne pense pas qu’on s’attendait à ça.»
Pierre :
Avec le succès, cela vous arrive encore de rencontrer « des Daniel Darc » pour vous sauver du découragement, car souvenons nous que pour le premier, c’était lui lors d’une rencontre au hasard qui vous avez dit de ne pas lâcher l’affaire ?
Joseph d’Anvers :
«Je crois que Mario en a été un bel exemple. Le découragement, il est quotidien. Il y a un espèce de protectionnisme et de prise zéro dans l’industrie du disque. L’avenir n’est pas dans la conception de 10 clones d’un artiste qui marche, mais bien d’être original. Les clefs du succès passent par là.»
Pierre :
Pour conclure : pourriez vous me parler de ce projet pour Dick Rivers ?
Joseph d’Anvers :
«On parlait d’une personne qui vous tend une perche comme Daniel Darc l’a été pour moi il y a 4 ans ou Mario récemment et grâce à eux et pour Dick ce fut la même chose, je recrois au pouvoir de la musique. Il m’a sollicité pour jouer une reprise de Johnny Cash et ensuite quelque fois pour me demander des chansons. De fil en aiguille, je lui ai envoyé 3, puis 5 puis 7 chansons avant qu’il me demande de faire tout l’album. Je me suis lancé dans l’aventure avec une espèce de fierté car c’était la première fois que quelqu’un allait lui écrire un album en entier. C’était un beau pari. Et quand j’ai entendu la première fois la voix de Dick sur mes maquettes, je me suis dit qu’il mettait 12-0 à de jeunes groupes branchés au niveau de l’interprétation. J’ai rencontré quelqu’un de très humain qui avait envie de coller à son temps, alors que les auteurs auparavant qui lui fournissaient des chansons utilisaient le troisième degré, le coté j’ai connu Elvis. Et moi j’ai rencontré quelqu’un de blessé par la vie, qui avance dans l’âge. Alors, quand on parle de Dick Rivers il fait sourire, même moi le premier, mais j’avais cette mini prétention d’espérer qu’après cet album, les gens ne sourient plus. »