Axelle Red - Interview 2006

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Interview

Axelle Red - Interview - Pierre Derensy


Axelle Red pourrait très facilement rentrer dans la catégorie « chanteuse de variété » mais pourtant en y cherchant bien, dans le coin se dissimule non seulement une artiste incroyablement cultivée (une sorte de petit dictionnaire franco-anglais de la Soul des années Motown) mais aussi une femme attachante aux causes justes et nobles. Elle sort ces jours ci un album « Jardin Secret » rempli de clins d’œil, de chansons gigognes aux multiples côtés.

Pierre :
Avant de parler musique j’aurais aimé savoir comment l’on doit s’adresser à un chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres ?
Axelle Red :
(rire) Chevalière avec le vouvoiement obligatoire (rire)
Pierre :
J’aurais aimé que vous me décriviez cette fille sur la photo plus jolie que Suzanne Mayer dans Desperate Housewives, qui n’est autre qu’Axelle sur le pas de sa porte ?
Axelle Red :
Merci pour le compliment. Sur cette photo il y avait vraiment un clin d’œil pour montrer la femme qui attend son journal et qui n’a rien d’autre à faire.
Pierre :
C’est une drôle de conception de l’image de la femme ?
Axelle Red :
Je crois qu’à l’intérieur elle a compris le message. Il y a un double sens sur ce visuel. Tu vois une fille qui va chercher son journal mais avec une tenue charmante et haut talons. Je ne suis jamais loin de l’autodérision.
Pierre :
En tout cas, au saut du lit vous êtes parfaite !
Axelle Red :
Cela me fait penser à une anecdote, il y a quelques années j’habitais dans une petite rue en Belgique et je suis sortie pour prendre des corn flakes que j’avais laissé dans ma voiture en peignoir et là qu’est ce que je vois stationnée : une voiture de flic, je me dépêche de filer dans ma maison mon paquet dans la main en pensant qu’ils ne m’avaient pas reconnue mais mon mari quelques jours plus tard, avait un rendez-vous au commissariat et quand ils ont vu où il habitait, ils lui ont glissé à l’oreille « vous savez que vous habitez dans la même rue qu’Axelle Red ! mais je vous préviens nous l’avons vu le matin c’est pas ça du tout ! » (rire)
Pierre :
L’album débute par « Temps pour nous » et là on trouve notre Axelle Red comme on l’avait quitté mais à mon sens « Changer Ma vie » et « Perles de Pluie » eux sont là pour marquer la rupture ?
Axelle Red :
Il faut voir cet album en entier pour voir l’unité de l’album. Dans « Changer ma vie » il y a ce petit côté Burt Bacharach mélangé avec Jeanne Moreau qui me plait bien et en même temps très Brodway et là je pense à « Singing in the Rain ». Mais déjà dans « Ce Matin » cela sonnait très « bacharien ». Cela me faisait plaisir avec « Temps pour Nous » que les gens retrouvent ma griffe mais d’un autre côté j’ai composé 60 chansons pour cet album.
Pierre :
C’est énorme !
Axelle Red :
Je voulais m’inspirer de la tradition des sing and songwritters. Je voulais faire un classique ! je voulais faire un chef d’œuvre de disque (rire). Et pour ce faire il faut commencer par des chansons très fortes. Mon ambition c’est de donner une raison d’acheter mon album. Il y en a tellement qui sortent qu’il faut avoir un motif valable et je désirais, plutôt que de les voir télécharger un ou deux singles potentiels les justifier dans l’achat du bloc.
Pierre :
La soustraction de ces 60 titres au départ s’est faite par obligation alors ?
Axelle Red :
Tout mon album est constitué de par les textes comme un livre et à une durée de vinyl. Tu ne peux pas savoir comme j’avais mal au cœur parfois. Tout à la fin j’ai du enlever 3 titres qui étaient disons, très prometteurs mais je tenais tellement à mettre toutes les chances de mon côté afin que cet album soit écouté en boucle que j’ai du m’y résoudre.
Pierre :
Il en reste donc 15 ?
Axelle Red :
J’avais une chanson qui sonnait comme « Sensualité » que j’aimais bien mais elle résonnait dans ma tête comme quelque chose que j’avais déjà fait, comme une répétition, donc je ne l’ai pas enregistré.
Pierre :
Sur ce disque vous modulez aussi votre voix de manière différente comme sur « Papillon » ?
Axelle Red :
Oui je lui fais changer beaucoup de tessiture. Je monte très haut et je vais très bas parfois. Willie Mitchell m’appelle d’ailleurs Mohamed Ali ! Il était très fan de l’album. Il savait qui j’étais, il avait entendu les maquettes, il me parle encore et toujours de l’album. D’ailleurs il allait chercher les accords sur un petit clavier Casio qu’il avait acheté pour son petit-fils.
Pierre :
Qu’est ce qu’il y a de caché ou d’ouvertement déclaré dans ce titre « Jardin Secret » ?
Axelle Red :
Un endroit utopique. Une communauté où les gens peuvent se rejoindre. Toutes les personnes qui pensent qu’il est possible de vivre sans guerre, sans haine et à base d’amour sont les bienvenues. Il y a cette envie de tendre la main, de la prendre et d’emmener l’auditeur dans un lieu où il peut se ressourcer. J’ose surtout me remettre en question, me dévoiler sans pour autant parler de ma vie privée.
Pierre :
On dirait sur cet album qu’il y a plus d’innocence, d’espoir, comme si la petite fille que vous étiez et qui gagnait le concours des chaperons rouges a l’envie plus que jamais de rendre du bonheur ?
Axelle Red :
L’album précédent était engagé mais de manière fâché ! (rire) j’étais fâchée avec l’extrémisme, avec le globalisme, j’étais fâchée avec la drogue, la télé-réalité, les mines anti-personnelles. Il était dur alors qu’ici j’avais besoin d’un contrepoint pour ce que j’ai vu lors de mes voyages humanitaires. J’avais besoin pour moi comme une thérapie de garder ce rêve utopique qui me permet pour beaucoup de continuer. Je voulais me créer une boule d’amour pour les gens qui me semblent en manque de repères. Aujourd’hui le monde justifie le mensonge. Ce qui me choque c’est que les gens ne tiennent pas leur parole.
Pierre :
Etes vous parfois trop naïve comme vous le chantez sur ce disque ?
Axelle Red :
On ne peut pas être « trop » pour ce genre de chose. Ce n’est pas parce que quelqu’un te ment ou te fait du mal que toute l’humanité est identique. Ne soyons pas méfiants. De la méfiance tu glisses vite vers l’intolérance et il suffit d’une grosse crise économique et c’est la guerre ici aussi.
Pierre :
Les histoires d’amours finissent mal.. en général mais pas chez vous, c’est quoi la recette d’Axelle Red ?
Axelle Red :
Je ne suis pas romantique dans le sens où je ne mets pas des bougies sur la table tous les soirs et il n’est pas indispensable de m’acheter des fleurs toutes les semaines mais je suis d’un romantisme qui correspond à ce qu’un être humain à besoin. Mon romantisme prend une dimension plus globale. Dans « Jure » il y a toute une philosophie derrière, ce n’est pas une chanson d’amour, j’ai écrit ce texte pour dire que si on ne sublime pas ces moments passionnés il n’y a pas de matière à lutter quand cela va mal.
Pierre :
J’aurais aimé connaître l’avis de votre fille sur Sa chanson ?
Axelle Red :
Au début elle m’avait demandé de faire une chanson cool comme ‘Gloria’. En lisant ce mot « étouffé » dans la chanson elle pensait que j’allais l’étrangler ! (rire). Je me suis effectivement inspirée d’elle mais je veux que ça parle à chaque parent dans la tradition d’un titre comme « Somertimes ». Une chanson universelle. De plus le thème d’oser avouer qu’il est difficile pour un parent de lâcher son enfant ne s’était pas encore fait. On parle toujours de protéger mais jamais cette volonté de liberté qui n’existe plus. Ce qu’avait la génération précédente mais par exemple en Belgique depuis l’affaire Dutroux il y a un réel traumatisme. De plus le monde extérieur est rentré chez nous via le web.
Pierre :
Le fait d’être mère vous a beaucoup fait changer d’opinion sur le rythme insensé d’un artiste ?
Axelle Red :
Ca fait changer beaucoup de choses dans le bon et dans le mauvais. Tu as beaucoup plus de craintes, cela peut t’amener de la force.
Pierre :
C’est votre belgitude qui vous a permis d’accepter autant de cultures dans la musique ?
Axelle Red :
C’est à dire que l’on nous a tellement envahis en Belgique ! La Belgique est un pays très nouveau, rien n’est mâché, il faut prouver ses qualités tout le temps lorsque tu es belge. Quand tu parles le Flamand et que tu n’es pas ouvert vers d’autres cultures tu sais que tu n’arriveras pas à sortir de ta boite. C’est vrai que j’aime l’idée d’être le fruit de cette diversité européenne. C’est ce que j’avais défendu devant le ministre de la culture européenne.
Pierre :
Avez vous eu une réponse de Barroso, président de la commission européenne sur votre interpellation concernant l’augmentation du budget des pays en voix de développement ?
Axelle Red :
Il m’a promis que l’argent des sanctions dans le cadre de la concurrence serait utilisé pour le développement des pays pauvres. Donc un progrès ! je ne dis pas qu’il va faire ça à cause de moi mais je tiens à croire que j’y suis un peu pour quelque chose… sinon j’arrête (rire).
Pierre :
Malgré la pratique, comment fait on pour ne pas tomber quand on va enregistrer aux USA dans le rôle de la petite francophone qui veut le son US ?
Axelle Red :
Je travaille là bas depuis longtemps. Au début j’y allais comme une fan qui se retrouvait avec le guitariste fétiche d’Otis Reding mais depuis quelque temps je me rends compte qu’ils ont vraiment un respect artistique pour ce que je fais. Avec ce nouvel album la boucle est bouclée : je n’ai plus de complexe en tant que compositeur. Je suis moi avec toutes mes influences. Des Carpenters à Burt Bacharach jusqu’à Aretha ! Je suis la somme de toutes ces références et sans complexe, je suis aussi fière d’être enfant de la génération des Carpenters que de celle d’Aretha Franklin.
Pierre :
Pouvez vous me dire ce que vous trouvez là bas et que vous n’auriez pas ici ?
Axelle Red :
Je suis allée là bas dans ce studio mythique avec mes amis ! ce n’était pas de simples musiciens. Ca fait des années que je vais à l’église avec eux. Tu sais Cat-Power quand elle est partie là bas, elle ne les connaissait pas. Elle a enregistré dans un nouveau studio alors que j’ai essayé de retrouver l’atmosphère d’avant avec les vieilles consoles, les vieux amplis ! La musique reste de la musique quelque soit la langue dans laquelle tu chantes. Ils entendent que c’est de la musique américaine. Ils reconnaissent les références. Je ne suis plus considérée comme la petite belge qui débarque.
Pierre :
C’était magique Memphis ?
Axelle Red :
Tu sais les plus beaux moments de ma carrière ce furent ceux passés à Nashville et ceux là à Memphis dans le Royal Studio. On avait tout préparé dans mon home-studio chez moi mais là bas ce disque a pris toute son ampleur. Tout était arrangé etc mais lors de l’enregistrement je me suis rendu compte qu’il sonnait super facile, direct.
Pierre :
Le fait que Fabby lors vos débuts artistiques n’ait pas eu le succès au tournant et que vous retourniez ensuite sur les bancs de la faculté de droit n’a t’il pas été finalement une super chose ?
Axelle Red :
C’était un choix. Je ne voulais pas faire de concession. Mick Ronson qui était le producteur et le collaborateur de David Bowie voulait travailler avec moi mais la maison de disque souhaitait monter un produit de manière beaucoup trop pré-fabriquée ! donc j’ai quitté ce milieu à l’époque pour ne pas souffrir. Je ne crois pas en la chance. La chance pour moi c’est prendre des risques, c’est oser aller très loin même là où tu ne t’imaginais pas aller. Les gens prennent souvent la solution la plus facile, la plus directe…
Pierre :
Je voulais revenir sur votre titre de chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres et plus particulièrement sur la politique de ce gouvernement envers les sans-papiers, les défavorisés, est ce que vous avez eu l’occasion de glisser quelques règles élémentaires sur l’humanité que se doit d’avoir un gouvernement respectable ?
Axelle Red :
Ce n’était pas l’occasion. J’étais juste avec le ministre de la culture… je ne suis qu’une artiste indépendante, je veux bien être le porte-parole des gens mais je ne veux pas me fixer une bataille contre la droite ou la gauche.
Pierre :
En tout cas je vous remercie Axelle pour votre gentillesse…
Axelle Red :
Attends dis moi quelle est la chanson que tu as préférée sur mon album ?
Pierre :
« Fruit Défendu » m’a beaucoup plue ?
Axelle Red :
Ho tu sais ce titre j’ai voulu le faire car je désirais faire une chanson sur laquelle on peut faire l’amour. C’est un groove très sexuel. Tu as fais un bon choix ! (rire).