Albin de la Simone - Chronique Album "Bungalow" 2008

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Interview

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Je ne sais pas si le camp de camping où se trouve le « Bungalow ! » d’Albin de la Simone est vaste et sans aucune sélection ou spécialement réservé à des clients triés sur le volet. Tout ce que je peux affirmer, c’est qu’avec ce nouvel album, sa musique et ses chansons fignolées aux petits oignons, le garçon affiche à l’entrée de son mobil home une porte ouverte à toutes les aventures. De son univers de boule de neige en plastique, il crée une avalanche d’émotion.

Pierre :
Ton précédent album s’appelait « Je Vais Changer » et celui là, il me semble, aurait pu s’appeler « Je Me suis Trouvé » ?
Albin de la Simone :
«Je ne sais pas encore, c’est avec le recul que je pourrais l’affirmer mais en tout cas, ça y est, j’aborde enfin mes disques tranquillement. »
Pierre :
Le point d’orgue, c’est donc la notion de plaisir et de simplicité ?
Albin de la Simone :
«Le point de départ, ma volonté surtout car je vais vivre 2 ou 3 ans avec cet album. Je vais faire des concerts, donc tous les soirs, je vais vivre avec. Je me rends compte que les disques précédents, je les tordais pour qu’ils m’amènent au plaisir. Là autant partir du plaisir. »
Pierre :
Beaucoup de chanteurs utilisent ces 2 axiomes « simple et plaisir » pour décrire leurs disques, pourtant cela semble une évidence qu’un mec qui fait de la musique ait ces 2 principes en cadeau de sa créativité?
Albin de la Simone :
«Bizarrement, c’est dur de faire simple. On est vachement parasité. Tout le monde peut s’en rendre compte, même sans écrire de chansons : on rentre souvent chez soi en se disant « mais pourquoi je n’ai pas juste dit ça » et on se rend compte qu’on a fait des tas de boucles, qu’on a dit un truc et son contraire au lieu d’aller au plus simple. Quand on voit des bons dialogues dans un film, on rêve d’être ce personnage parce qu’on est très vite parasité par des complications liées à notre propre regard sur nous. On se filtre beaucoup. On a besoin d’expliquer… par exemple là je suis en train de m’embourber (rire). »
Pierre :
C’est l’album du garçon qui se cherche moins et pourtant c’est le moins autobiographique, est ce que cela va de paire ?
Albin de la Simone :
«Paradoxalement, je crois que oui. C’est l’album qui me ressemble le plus alors que c’est le moins autobiographique. Après avoir épuisé les complications, les zigzags, et les miroirs foireux, au bout d’un moment, j’y vois un peu plus clair. En partant de zéro, ou plutôt en partant de ma vie, de mes sacs à vider. Je tenais juste à inventer une chanson sur un sujet. Dans un état d’esprit tranquille plutôt qu’en cherchant des complications. »
Pierre :
Heureusement que tu n’as pas écrit ce troisième album dans une caravane, car tu aurais plus de mal à trouver le titre ?
Albin de la Simone :
«Ceci dit j’y ai pensé ! Je me suis dis qu’il y avait bien eu « Caravane » donc il pouvait bien y avoir « Bungalow ». Ca me plaisait bien comme titre car il était abstrait, cela peut évoquer des trucs sans savoir quoi exactement. »
Pierre :
As tu besoin de t’isoler du train-train habituel d’une post préparation conventionnel ?
Albin de la Simone :
«J’ai toujours besoin de m’isoler, je n’arrive pas à écrire dans mon quotidien. Pour le précédent album c’était à Annecy, au bord du lac. J’ai besoin de nature, je viens de la campagne. L’écriture est mon lien intense avec la campagne. »
Pierre :
Cette fois ce fut à Bali ?
Albin de la Simone :
«J’y étais allé en vacances auparavant et là, pour le disque, je cherchais un endroit où me poser. Au calme et sans touriste. Je n’étais plus parasité par rien, il était possible que je m’asseye au bord de la rizière sans chercher autre chose que la tranquillité. Ensuite, c’est aussi car c’est très beau et enfin car un mois à Bali ne revient pas plus cher qu’un mois à Annecy. »
Pierre :
Tu es parti avec des idées en tête ou tu es arrivé là-bas vierge de tout axe directionnel ?
Albin de la Simone :
«Je n’avais strictement rien, même pas l’idée des chœurs. J’avais juste un ordinateur pour m’enregistrer comme un magneto, guitare, un clavier et un micro. »
Pierre :
Y avait il un risque que tu rentres sans aucune matière ?
Albin de la Simone :
«Bien sur ! J’avais tellement attendu avant, je m’étais tellement empêché d’écrire quoi que ce soit que je comptais sur l’effet marmite. »
Pierre :
C’était une sorte d’abstinence à l’écriture?
Albin de la Simone :
«Ouais, enfin je ne sais pas vraiment, pour le moment je fonctionne comme ça. Je n’écris rien et après j’écris pendant une période cadrée. Ceci dit ce qui est sorti à Bali n’était pas l’album, c’était 80 % et pour les 20 % restant, c'est-à-dire de la retouche principalement, ce fut l’enfer pendant 6 mois. De retour sur Paris, tu te prends la tête sur 1 mot. Ca, c’est terrible. Mais la matière première, la base était déjà faite. Mais pour passer le vernis, d’écriture et pas d’enregistrement, le vernis est vachement dur. »
Pierre :
A quel moment sait on que la patine est parfaite ?
Albin de la Simone :
«Il y a encore des mots que j’ai changé en enregistrant des voix, et il y a peut être un mot ou deux sur l’album. Dans « Mythomane » je dis «La dent arraché à Salvador Dali » , je pense que j’aurais du trouver mieux. Tout va bien hein, mais en fait il y a un mot qui me frustre. Dans mon cas, c’est instinctif. J’aime ou je n’aime pas. »
Pierre :
C’est le même principe pour la musique ?
Albin de la Simone :
«Oui. Jusqu’à ce que je sois content, je change. Je peux changer la structure, rallonger l’intro, rajouter un instrument. Mais là pareil, c’est un cercle vicieux. En même temps, c’est ce qui me permet de faire un autre album. »
Pierre :
Si on doit trouver une terre d’exil à ce disque, il serait quand même très africain, rythmé par les percussions ?
Albin de la Simone :
«Les percussions, je n’en avais pas trop utilisé avant. Mais c’est l’œuvre aussi de mes copains musiciens et du producteur Marlon B qui m’a aidé à réaliser ce disque. J’aime qu’ils me proposent des choses, plutôt que de leur dire ce qu’ils doivent jouer. Et ça il faut que l’on soit très proche et qu’on se comprenne pour éviter les malentendus. Avec eux cela s’est passé très simplement, je pouvais me permettre de leur dire que j’n’aimais pas ceci ou cela. L’album, c’est entièrement fait de cette manière : on a beaucoup joué et ensuite il y a eu beaucoup de discussions. »
Pierre :
Après Feist et Jeanne Cherhal sur les deux premiers, tu t’es décidé à faire chanter la Simone d’Albin ?
Albin de la Simone :
«(Rire) Tu parles des chœurs qui ressemblent à une voix de femme alors que c’est ma voix bidouillée… »
Pierre :
Cela peut aussi te permettre d’exposer ta part féminine, ce bidouillage ?
Albin de la Simone :
«Il y a toujours eu de la féminité dans mes disques, mais là ce sont des chœurs avec ma voix trafiquée. Ma part de féminité est assez virtuelle car je suis quand même un mec (rire). Je suis donc obligé d’inviter des femmes ou de changer ma voix pour qu’elle soit perceptible. »
Pierre :
Comment t’es venu cette idée de prendre ta voix et de la distordre autant ?
Albin de la Simone :
«Dans une chanson, quand j’étais à Bali, je pense que c’était «J’avais Chaud » dans le refrain, je voulais un chœur féminin, presque enfantin. Comme j’étais seul, je l’ai donc enregistrée avec ma voix, pour que cela fasse plus ou moins des chœurs. J’ai donc trouvé ce procédé qui me permet de doser sur le « plus bizarre » et « moins bizarre ». Et de fil en aiguille, j’en ai posé partout sur mes maquettes. En rentrant sur Paris, je ne désirais plus les remplacer par des vraies voix féminines ou enfantines. Surtout car ils répondaient exactement à ma demande et aussi car ils ne ressemblaient à rien (rire). C’était une chance. Ce constat me pousse définitivement à accepter l’erreur ou la contrainte. C’est la plus intéressante manière de faire de la musique : c’est d’écouter les autres, écouter les erreurs et de suivre les contraintes. »
Pierre :
Alors question obligatoire : comment remplacer cette voix virtuelle quand tu vas être sur scène ?
Albin de la Simone :
«Surprise ! Je travaille beaucoup là-dessus. Ce sera l’élément particulier du concert. »
Pierre :
Sur « Vendéen » on est dans la démonstration d’un exercice oulipien ?
Albin de la Simone :
«C’est un gag entre Jeanne Cherhal et moi, on s’était vraiment marré un jour à inventer ce truc pour remplacer « un » par « main » puis « nœud » pour « deux » etc. Il y a un exercice derrière. Après je me suis amusé à en faire une chanson qui me permettait de développer ce procédé dans un titre.»
Pierre :
L’absurde est quelque chose sur lequel tu t’appuies en faisant un album ?
Albin de la Simone :
«C’est quelque chose qui est dans ma culture, ma constitution. L’absurde me sert beaucoup à déverrouiller des choses. J’ai énormément aimé autant Boris Vian, que les Monty-Pythons qu’Edika pour déverrouiller la situation de drame par la rigolade…. Les trucs qui ne vont pas ensemble : j’adore ! Depuis 2 ans j’ai pour obsession le mot « chips ». Qui est un mot complètement débile. Le mot chips mis à des endroits qui ne vont pas du tout me fait beaucoup rire… ou l’agasse (rire). Ces jeux de sonorités m’éclatent tout le temps. C’est constituchips (rire). Tu vois, ça peut être très nul. »
Pierre :
C’est quoi le style musical de « Bungalow ! » ?
Albin de la Simone :
«Je n’ai aucune idée. Je trouve que c’est malheureux de te répondre ça. Pop pourrait m’aller. Mais est ce que dans pop, il y a autant Elton John que Radiohead et Jennifer ou Souchon ? »
Pierre :
Ce sont peut être des chansons chips ?
Albin de la Simone :
«(rire) Des chansons chips… pourquoi pas… enfin non car pour moi chips, c’est le symbole du truc industriel et aditif… pour moi chips c’est tout ce que je refuse dans la société de consommation… tu vois ça commence à prendre un sens mon histoire de chips (rire).»
Pierre :
Par contre sur « Bungalow ! » je vois moins de titres que l’on pourrait dater (comme Démonia sur le précédent), il semble plus « généraliste », est ce que l’époque que l’on vit n’est pas propice à se chanter ?
Albin de la Simone :
«C’est pas mon truc. La chanson a servi à parler de politique par exemple, mais ce n’est pas mon but. Moi j’aime inventer des histoires ou raconter des choses de moi, en espérant qu’elles parlent aux autres. Inscrire une chanson dans un contexte précis ne m’intéresse pas plus que ça. Sur mon premier album, mon directeur artistique m’avait dit que ce que je faisais était un peu « martien » et il souhaitait que je glisse des éléments pour prouver que j’existais réellement aujourd’hui. Et finalement, j’en reviens à ne pas le faire (rire). Il avait attiré mon attention sur l’idée que je devais me rapprocher de l’auditeur.»
Pierre :
D’ailleurs tu pourrais très bien être un martien ?
Albin de la Simone :
«Je suis gêné par mon existence dans le cadre de mon travail de chanteur. Je suis un peu encombré par ce que je suis. J’aimerais n’être qu’un personnage mis en scène. Et il se trouve que j’existe. Il n’y a pas un écran de fumée entre moi et le public. »
Pierre :
Il faudrait se créer un personnage ?
Albin de la Simone :
«Je n’en suis pas là. M m’a toujours conseillé de le faire. Même sans mettre un costume mais simplement de définir le personnage. C’est peut être ce que je suis en train de faire doucement. En tout cas, pour dissocier ce que je suis réellement de ce que je montre sur scène. C’est en chantier… »
Pierre :
Il y a une grosse différence entre toi et toi ?
Albin de la Simone :
«Peut être de plus en plus… alors que ce disque me ressemble le plus ! je suis en train de m’embrouiller avec moi-même (rire). En fait, je me rends compte que pour moi les choses se simplifient vachement mais dès que j’en parle, je me rends compte que c’est toujours aussi compliqué (rire).»
Pierre :
Quand on sort d’une tournée avec Vanessa Paradis, cela donne une envie personnelle de remplir les mêmes enceintes ou plutôt de pouvoir enfin regarder les spectateurs dans les yeux sans voir une trop grosse foule anonyme ?
Albin de la Simone :
«Je ne me vois pas du tout à sa place ; après peut être qu’un jour j’y serais, peut être que j’y serais jamais ou un jour dans un festival. Par contre, j’ai adoré de vivre ça comme musicien. C’était vraiment super. Amicalement c’était extra. Ca m’a donné beaucoup de plaisir et a nourri ma confiance en moi.»
Pierre :
Vu que tu as une chanson qui s’intitule « Mythomane », je veux les noms de tes amis dans la musique qui sont victimes de ce défaut ?
Albin de la Simone :
«J’en connais… un peu… je suis moi-même mythomane de manière assumée : j’adore raconter des histoires, raconter des conneries totalement fausses. Sur mon nouveau site, il va y avoir une rubrique mythomane qui sera la continuité de mon journal sur l’ancien. »