Michel Fugain - Festival Les Terre Neuvas 2005

Michel Fugain - Interview 2007

Michel Fugain - Concert L'Olympia (Paris) 2007

Michel Fugain - Concert L'Alhambra (Paris) 2009




Interview

Michel Fugain - Interview - Pierre Derensy


A tous ceux qui pensent que Michel Fugain n’est pas rock n’roll, je leur dirais de se méfier des apparences. Bien sur Fu-Fu ne s’est jamais jeté dans la boue de Woodstock (sur scène j’entends, car dans sa vie privée, je n’en sais rien : peut être était il là bas) mais pourtant dans sa manière d’être, de sentir et de ressentir la société, dans ses compositions et son ex barbe fleurie se cache un vrai rebel. Ce grand monsieur aurait des choses à apprendre aux mecs en cuir. Son dernier disque « Au Revoir et Merci » est un bel exercice pour rendre hommage à ses amis paroliers qui l’ont suivi dans cette expérience. Il met en musique et chante un texte de chacun d’entre eux (Françoise Hardy, Nougaro, Aznavour, Le Forestier, Louis Chedid, etc.) et le disque s’écoute avec beaucoup de joie.

Pierre :
Vous savez que j’ai du entendre une de vos chansons pas loin de 1000 fois et que ça m’a forgé une philosophie de vie ?
Michel Fugain :
Laquelle ?
Pierre :
Les Gentils, Les Méchants !
Michel Fugain :
Ho je vous ai choppé tout petit alors ! (rire)
Pierre :
Ce nouvel album a t’il vraiment commencé par une lettre ?
Michel Fugain :
Oui tout a commencé par une lettre. Disons plutôt que cette lettre est à l’origine de ça. Les hasards et les malheurs de la vie ont fait que j’étais plus ou moins en train de faire un bilan et j’ai constaté que ça faisait 35 piges que je faisais ce métier avec une vingtaine d’artistes qui ont autant de kilométrages au compteur. Et l’idée m’a plu, mais surtout j’étais ému de penser à eux tout seul dans mon coin. Je trouvais ça chouette d’avoir conscience que certains étaient depuis si longtemps au travail en faisant toujours aussi bien leur boulot. Qu’ils faisaient des chansons que les gens gardaient dans leur cœur. Qu’ils participaient à des souvenirs populaires. Je voulais simplement leur dire qu’ils étaient forts et qu’ils avaient tous mon respect. C’est pour ça que j’ai sauté sur mon ordinateur pour taper cette lettre où je demandais s’il voulaient bien venir s’amuser avec moi.
Pierre :
Pouvez vous me dire qui vous a répondu en premier ?
Michel Fugain :
C’est Françoise Hardy. Presque techniquement parlant. Françoise n’est pas une personne très expansive à priori, même si c’est une bavarde impénitente quand elle le souhaite. Elle m’a envoyé cette chanson dont le texte est une perle qu’elle avait depuis 30 ans.
Pierre :
9 messieurs et 2 dames : vous n’êtes pas encore dans la parité Michel !
Michel Fugain :
Vous savez, il n’y a en a pas tellement de femmes qui écrivent des textes de chanson. Ou alors j’aurais été obligé de demander à quelqu’un comme Anne Sylvestre qui a fait des chansons magnifiques, mais qui ne fait pas partie de notre bande, ce n’est pas la même chose. Ca n’a rien de péjoratif ! mais ça aurait donné quelque chose d’artificiel. De ce même type d’écurie, il n’y a guère que Françoise. Catherine Lara qui est une fille que j’adore et qui a fait des chansons magnifiques est compositrice mais pas parolière. Des auteurs, vous avez Françoise Hardy et Véronique Sanson… Véro qui n’a jamais offert de textes à qui que ce soit : je vous assure que ce fut une aventure de lui demander (rire).
Pierre :
Si l’on devait garder une chanson de cet album pour vous définir on prendrait « J’ai Chanté » ?
Michel Fugain :
C’est une chanson de Maxime le Forestier. Elle me ressemble effectivement, mais elle lui ressemble aussi. Je dirais même qu’elle ressemble beaucoup à Maxime ! De toute manière, nous avons eu tous les 2 un parcours quasiment identique. On est né à la même époque et j’aime bien souligner que nous sommes des citoyens chanteurs. Le mot vedette n’existait pas quand on a commencé, c’était ringard d’être une star. Pour nous c’était des conneries. Dire que l’on était pré ou post soixante-huitard ça ne voulait rien dire. On était des citoyens et l’on chantait avec des gens qui nous ressemblaient. Je crois que cela nous a marqué tous les deux. Quand il me donne ce titre et que vous décortiquez, vous vous apercevez que lui il a chanté dans le métro et moi pas, mais ça n’empêche que j’aurais pu le faire. Je vous dis, on a traîné ensemble. Max a écrit cette chanson en fonction de mon état d’âme. De ma tristesse à moi.
Pierre :
C’était un challenge qui vous plaisait, musicalement parlant, de garder une unité avec des auteurs si différents ?
Michel Fugain :
Je vous jure que je n’ai pas réfléchi à tout ça. Je me suis dit qu’au bout du compte, puisque c’est moi qui fait la musique, l’unité serait là, et pourtant y a pas une chanson qui ressemble à une autre. Cela passe par une voix, un interprète, c’est moi qui chante donc je les adaptes en fonction de mon phrasé. Ce n’est pas si facile de trouver une mélodie sur un texte d’écrivain. Ca demande du travail. Mais le travail, c’est de l’attente, c’est se laisser pénétrer par l’idée d’un texte. Je prends toujours l’image du bout de laine qui dépasse, qu’on tire et dont on fait une pelote.
Pierre :
On trouve beaucoup de rythmes sud-américains sur ce disque ?
Michel Fugain :
Je ne pense pas que ce soit des influences ou des imitations. A partir du moment où la musique existe, elle nous appartient à tous. Et je vous dirais que je connais les limites de ça. Par exemple, vous prenez « Je parlerais de Toi » qui est traité de manière latino, si vous mettez des vrais musiciens brésiliens vous aurez un carnage ! ça ne tournera pas, car les musiciens sud-américains ont une autre façon d’évoluer. Mélanger des musiciens, c’est terrible ! Ce que j’essaye de faire c’est d’adapter, effectivement j’aime bien ces rythmes chaloupés, qui font bouger le corps et qui sont tendres.
Pierre :
En parlant de rythmes, parlons de la syntaxe particulière quand on adapte un texte de Claude Nougaro ?
Michel Fugain :
Claude était un chanteur dit de jazz. A priori, quand mes doigts tapent sur le clavier, je ne vais pas faire un truc latin forcément. En plus j’ai envie de l’étonner. Malheureusement, il nous a quitté trop tôt mais n’empêche que l’envie est là. Faire une tournerie qui est harmonique, j’ai un besoin fusionnel d’entrer dans son univers mais sans le pasticher. Il y a aussi une grande part de jeu ! je dois vous le dire, je fais ça quand je suis en Corse, je suis tout seul, je m’amuse comme un fou à faire de la musique, je visualise à chaque texte le visage de mes confrères et consœurs et je veux les étonner, avoir un sourire ou un étonnement.
Pierre :
Justement, quand Serge Lama vous entend chanter son texte sur un reggae, il est comment ?
Michel Fugain :
Il a été surpris ! (rire) Mais en bien. C’est d’autant plus drôle qu’avec mes copains musiciens, on était sur qu’il avait pensé son texte sur une musique à trois temps. La charpente était faite pour ça et j’ai foutu le souk en espérant qu’il soit content du résultat. C’est un métier où il faut prendre son temps. Faut pas bâcler, ni se stresser, il faut laisser faire. Le cerveau en musique, il sert beaucoup. Il sert à faire des analyses sans que l’on veuille particulièrement le faire. C’est parfois 3 semaines après que l’on a fait un truc qu’arrive la lumière. Vous n’êtes là que pour récupérer ce que votre cœur, corps, cerveau ont mijoté. Ils vous ont amené à un moment à un certain endroit, pour partir sur ce chemin bien particulier. C’est un truc artistique. Il y a une part de mystère que je serais incapable de définir.
Pierre :
J’aurais aimé savoir si à votre avis, dans ce milieu musical : beaucoup de monde a oublié la signification du terme « plaisir » ?
Michel Fugain :
On l’a d’autant plus oublié que notre métier est devenu ce que la société devient. Rien de plus, rien de moins. C’est à dire que l’artistique a été remplacé par le marketing, un point c’est tout. Et c’est dans tous les domaines pareil. Vous dans votre journal c’est pareil ! c’est vrai pour le cinéma, partout où vous avez à vendre quelque chose ! et il se trouve que les chansons pour l’instant, sont encore à vendre. On ne parle plus que de marketing dans les maisons de disque. Ce qui est d’autant plus terrible c’est que les marketeurs ont cassé le jouet. C’est l’aboutissement d’une erreur totale : à savoir que l’irrespect de la chose artistique arrive au moment où la logique du marketing se casse la gueule.
Pierre :
Avez vous eu des auteurs que vous n’avez pas gardés pour ce disque ?
Michel Fugain :
Non ! j’ai des auteurs que je n’ai pas eu. J’aurais aimé avoir un texte de Renaud. Par exemple, on s’est vu beaucoup avec Michel Jonaz, il voulait me faire un texte sur mesure. Là dessus on s’est perdu de vue…
Pierre :
Peut être pour le prochain ?
Michel Fugain :
Je ne veux pas faire un tome II. Ce serait systématiser l’affaire. Mais c’est tentant (rire). J’ai pris vraiment beaucoup de plaisir et j’aimerais faire un truc avec William Sheiler par exemple. J’aimerais faire un texte avec Thomas Fersen, qui est le père de la nouvelle chanson française, c’est lui le premier qui est parti dans cette direction. Pourquoi pas Thiefaine ou Bénabar. Un texte de Zazie… Zazie ne fait pas partie de notre génération de brontosaures mais elle fait de jolies choses.
Pierre :
Vous avez une chanson qui s’appelle « Le Président » ?
Michel Fugain :
Ca, c’est Salvatore Adamo. C’est la surprise du chef. Je ne savais pas quoi en foutre de ce texte, il ne se présentait pas comme une chanson mais plutôt comme une comédie musicale. C’est une chanson de rupture. J’aime bien montrer que je peux faire ça.
Pierre :
En chanteur citoyen que pensez vous de la campagne présidentielle ?
Michel Fugain :
Je n’en pense pas grand chose. La France n’est pas très bien. On a des gens qui ne sont pas des grands politiques, qui sont peut être très sympathiques au demeurant, mais ce ne sont pas des pointures. Ce n’est pas très glorieux. On va élire un président qui sera un président par défaut. Je pars par principe que le président adéquat est là pour tirer le pays vers le haut et là ce n’est pas le cas. On est tout en limitation de vitesse, en interdiction de fumer. Ca forme un esprit de « petits », de frileux.
Pierre :
Vous avez des écoles à votre nom, alors à quand une place de Paris à votre nom ?
Michel Fugain :
«(rire) Le moins vite possible parce que déjà pour les écoles, je me demandais s’ils avaient pas l’impression que j’avais un pied dans la tombe ! Mais je suis très fier, car s’il y a des momes qui vont dans une école et que mon nom est associé à de jolis souvenirs d’enfance : je suis heureux !