Babx - Interview 2006

Babx - Interview 2009

Babx - Festival Fnac Live 2013




Interview

Babx - Interview - Pierre Derensy


Pour ceux qui ne connaissent pas encore ce kamikaze des rimes riches, ce funambule à chansons réalistes, ce taciturne aux desseins fantasmagoriques, qu’ils ne s’inquiètent pas du retard pris à l’allumage. Les deux pieds dans le bitume et le regard porté vers les étoiles, Babx chasse ici de son patrimoine son premier album excellent mais trop carte de visite, pour rentrer dans une méthodologie, un concept, un crime d’aisance : le disque global du XXIème siècle.

Pierre :
Est-ce la nouvelle retraite de Céline Dion qui t’a poussé à sortir ton album maintenant et ainsi offrir le premier titre de l’album à Titanic 2 ?
Babx :
«Je n’étais pas au courant de son actualité mais ça tombe plutôt bien, je vais pouvoir prendre sa place à Las Végas. »
Pierre :
C’est plutôt par rapport au premier titre de ton disque « Cristal Ballroom » et cette idée de l’iceberg à 2/3 immergé, peut on faire un rapport direct avec ton disque ?
Babx :
«Pour Titanic II : si l’orchestre revient de sous les abysses : on va l’envisager (rire). Mais pour le rapport avec ma musique : complètement. Je ne suis pas tellement un actif écolo, mais toutes ces histoires d’immersions, de fonte de la banquise, de Venise ou la Nouvelle Orléans sous les eaux, ça a beaucoup contribué à l’imaginaire global de cet album. Ce grand carnaval qu’on retrouverait en débouchant le bouchon de la baignoire dans 200 ans.»
Pierre :
Cette première chanson « Cristal Ballroom » indique que Babx est toujours Babx, mais qu’il n’a pas attendu aussi longtemps entre ses 2 disques, pour simplement nous rejouer « Kamikaze » ?
Babx :
«C’est pas impossible et plutôt normal. A l’époque du premier album, c’est un espèce de condensé de toute ta vie alors que là, il ne me restait qu’un an et demi à raconter (rire). Ce sont des préoccupations qui ne sont plus les mêmes qu’à 18 ans. J’avais envie de raconter une histoire comme un réalisateur peut tourner un film. Ce ne sont pas des bribes d’histoires avec des chansons éclatées les unes après les autres, mais j’ai insisté sur le fait de garder un fil conducteur du début à la fin. Un état permanent du premier au dernier titre. »
Pierre :
J’ai l’impression que tu as grandi et pris des épaules ?
Babx :
«Je ne sais pas si cela pourrait correspondre à de l’assurance. En tout cas, je voulais clarifier pas mal de choses. Assumer plus de simplicité aussi. Pas forcément mettre fromage et dessert dans la même assiette. Ce qui était le tord de mon premier disque. Là, j’ai bien fait des distinctions entre chaque plat. Dans le premier, j’avais un complexe de chansonnier qui ne fait pas de la musique contemporaine et là de toute manière comme c’était niqué pour l’IRCAM, j’ai assumé de vouloir faire des chansons (rire). »
Pierre :
Je voulais te demander si ce disque n’est pas un disque féminin ?
Babx :
«Toujours. Encore. La dame de mon cœur est très présente dans chacune des lignes de ce disque. La majorité des personnages de ce disque sont des femmes. Cela me poursuit. Je vais devoir consulter (rire). »
Pierre :
Tu installes en second titre cet « Electrochocs Ladyland », un petit hommage à Hendrix et un gros clin d’œil à Lennon, bref à la musique que tu aimes ?
Babx :
«C’était un clin d’œil à l’époque. Ce disque est une référence à l’époque où les gens dansaient avec l’intimidation de bombes au dessus de leur tête. Cette musique, ce mouvement du flower-power, etc avait un but de transe, de danse sous menace apocalyptique. Quand je me suis attaqué à cette chanson où je voulais parler de l’enfer des électrochocs, j’ai essayé plusieurs manières d’aborder ce sujet et il m’est revenu cette référence à Hendrix et quitte à en reprendre le titre, autant faire du pied sous la table à la musique de toute cette période et rechercher une musicalité assez seventies en réadaptant ça à ma sauce.»
Pierre :
Cette chanson est peut être l’intrus du disque quelque part ?
Babx :
«Elle est vachement plus rock. Le sujet est plus « électrique » que les autres chansons. Le reste du disque surfe sur l’acoustique et là j’étais obligé de mettre du nerf. J’ai vraiment tenu à garder cette idée de bal, cette déclinaison qu’à chaque moment de la soirée correspond une musique qu’on doit jouer. Des ambiances sonores différentes qui se répondraient cependant les unes aux autres.»
Pierre :
En parlant de bal : est ce que « Lady L » c’est ton quart d’heure américain ?
Babx :
«C’est un peu ça. Il ne reste plus grand monde dans la salle. Des musiciens et quelques danseurs. J’ai eu la chance de l’enregistrer avec Marc Ribot. Et quitte à la faire avec ce monument, j’ai égoïstement choisi qu’il n’y ait que lui et moi sur ce titre (rire). J’ai profité de la forme duo, surtout qu’avec lui, il n’y a pas besoin de rajouter grand-chose.»
Pierre :
Sur ce disque, tu t’es investi jusqu’à réaliser et arranger toi-même l’album, mais tu as peut être fait le meilleur choix en allant pêcher Oz Fritz pour te garantir de garder le coté sauvage à ces nouvelles compositions ?
Babx :
«J’ai eu là encore de la chance. Oz Fritz c’est le monsieur qui m’a fait réaliser que le son était un personnage à part entière. Je me souviens avoir mis l’album « Blood Money » de Tom Waits et en une seconde, à 17 ans, j’ai compris qu’en dehors de la voix, des instruments il y avait un son particulier. Jusque là, je pensais qu’il suffisait de mettre un micro devant un instrument. Donc déjà le nom était mystérieux et là, l’été dernier, sans y croire un instant j’ai osé lui envoyer un mail, en lui précisant que je n’étais rien ni personne, que je n’avais pas d’argent, ce qui était déjà très séduisant (rire) en lui demandant de travailler avec moi. 2 jours après il était ok. Rendez-vous à San Francisco pour mixer avec lui. C’était une sorte de pèlerinage pour moi (rire). »
Pierre :
Tu trimballes un peu cette étiquette de Tom Waits ‘à la française’, alors comment s’est passé la rencontre ?
Babx :
«Je ne faisais pas le malin au début. Quand il a débarqué au studio, je me sentais tout petit. Ce qui est drôle, c’est qu’il est aussi, voir plus, timide que moi. On s’est retrouvé un peu comme des cons (rire). Après quand on passe dans le boulot même, il a ce truc qu’a aussi Ribot, c’est qu’à partir du moment où il s’engage dans un projet, il n’y a pas d’arrogance ni de problèmes d’ego. Ce qui est cocasse, c’est qu’il est limite autiste. Il ne parle jamais, il doit prononcer 10 mots dans sa journée et nous avons eu une relation de romance sans paroles. C’était hyper fort, comparable à de la sorcellerie, ou plutôt de la parfumerie. Un des trucs de ce disque, c’est que j’ai appris énormément. En l’occurrence, à 27 ans, j’ai pris plusieurs leçons d’un coup. Je voulais rendre aussi hommage à ceux qui ont fait la prise de sons : c’est Jérôme Poulouin et Laurent Binder.»
Pierre :
Nous sommes là, à la fin d’un processus d’enregistrement d’album, mais peux tu me dire s’il a été long à se dessiner ?
Babx :
«Pas tant que ça. J’avais un son dans la tête, le titre même avant d’avoir les chansons et je n’ai eu qu’à attendre que le reste vienne à moi. Une fois que je me suis mis à écrire, tout c’est assemblé facilement. J’ai mis 1 an en gros. Pendant la tournée, j’étais incapable de penser à la suite de mon premier disque, j’ai aussi voulu faire un break pour reprendre contact avec la vie, reprendre mon costume de musicien car je ne suis pas « que » chanteur. J’ai fait la musique d’un spectacle de danse, de la musique improvisée. Le but étant d’oublier le premier album. J’ai passé un an à ne faire que de la musique sans penser à un plan de carrière ou une réussite artistique de Babx.»
Pierre :
« 08 h 04 » est une très belle chanson digne de Brazil et proche d’une société Sarkozyste, outre le sujet sociétal, n’a tu pas l’impression que l’industrie du disque est devenue aussi frigide qu’une caméra de vidéo surveillance ?
Babx :
«J’aimerais ne pas cracher sur la totalité de ce métier. Mais il y a ce coté effrayant. La peur qui domine ces gens. L’industrie du disque souffre de sa propre peur et n’arrive pas à se dire que quitte à être dans la merde autant faire des choses bien. Ce qui m’effraie, c’est qu’il y a pleins de gens qui vont véritablement rester sur le coté et qu’on va mettre en avant du médiocre. Ce qui ne me plait pas dans ce pays, c’est qu’il y a un plan A mais qu’on a pas prévu un plan B.»
Pierre :
Ton écriture s’est arrondie il me semble, ce qui te fait moins crier, être moins exubérant lorsque tu chantes ?
Babx :
«On ne laisse pas au monde actuel le temps de rêver. Pour ma part, je ne sais pas écrire autrement. Ce qui est vrai c’est qu’à l’époque de la conception de cet album je n’avais pas besoin de hurler, j’étais plus dans le sentiment et moins dans le hurlement. Peut être aussi plus confiant sur ma manière de chanter.»
Pierre :
Pourquoi conclure ton album d’un titre joué live « L’Orage » ?
Babx :
«C’était lors du dernier concert de la tournée que nous avions conclu au théâtre des bouffes du Nord. « L’Orage » en était le tout dernier morceau. En studio nous avons été incapable de reproduire l’intensité qui se dégageait de ce titre ce soir là. Cette chanson est un mélange de chanson d’amour et de chanson politique sans jamais le dire ouvertement. Un moment de prière, d’accalmie avant de tout se recevoir sur la gueule, et après repartir au combat. Il faut dire que je l’ai écrite le soir de l’élection de Nicolas Sarkozy.»