Chronique Album

CE2 Free Confits - Chronique Album "Qui va Piano ?" - Pierre Derensy


Il y a des disques, des albums qu’on aimerait garder dans la doublure d’une veste : rien que pour soi et quelques amis très chers qui auraient le droit de fouiller à l’intérieur de vous même. Des morceaux qu’on lancerait par fierté mais aussi par défi à la cantonade en disant « moi je connais, vous non, nous n’avons rien à faire ensemble».

On s’imagine aussi, avec un brun de cran, les piquer dans les magasins (pas les répliquer car l’écrin est forcément trop beau pour être téléchargé) si jamais un seul disquaire audacieux de notre connaissance existait encore dans ce bas monde annexé par la culture Monoprix il aurait cet opus à vous proposer.

«CE2-Free Confits» fait donc parti de ces groupuscules à diviniser. De ces totems chamaniques qui envoûtent l’oreille et rendent de la noblesse à l’orpaillage musical. Pour prouver que tout cela n’est pas vain et qu’il existe bien d’autres extraterrestres sur terre.

Cet objet, sans vraiment de nom (malgré une tête pensante et chercheuse dénommé Gaël Le Billan), sans vraiment de track-list, sans publicité sur de mauvaises télé commerciales, sans origine (bien qu’on me parle de l’Est de la France) est surtout sans frontière : en effet d’un point X donné, le Y des sons de cet enregistrement renvoi l’échos des neiges du Kilimandjaro ou réverbère la clarté matinale des pays slaves, tout cela sans bouger de notre chaise. Ce bidule non identifié tombé du ciel dans mon assiette un soir de concert, a frappé toutes les oreilles qui ont eu l’honneur de l’entendre.

S’il fallait condenser le son de ces 57 minutes, c’est un mélange du jazz de Jimmy Smith ou Stan Getz, un hommage à Charlie Mingus, pour ensuite partir sur un métissage de griots maliens frissonnant sur la place russe et finir par guincher sur les bords de la Marne dans une musette alcoolisée en compagnie d’une troupe taraf qui aurait rencontré tout le petit monde précédemment cité et qui aurait proposé un bœuf. La profusion d’invités font de ce petit bijou un disque absolu, suave, insociable et anticonformiste. Quand à la vidéo, à elle seule justifie l’achat de ce CD car non, Buster Keaton n’est pas mort, il fait l’amour à son piano !